En amour, tout est-il déjà écrit ?

Amour et émancipation

Comment écrire sur l’amour ? Reste-t-il un espace du sujet que la littérature n’a pas encore ausculté ? Dans son nouvel ouvrage, Le ciel ouvert (Acte sud), Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018, relate son histoire impossible avec une femme déjà engagée sous la forme d’un recueil de leurs échanges sur Instagram. L’écrivain y évoque le pouvoir libérateur de l’amour : “Cette histoire a commencé dans la contrariété. Nous n’étions pas vraiment disponibles. Ces textes sont des déclarations d’amour intimes, mais qui ont pris place sur les réseaux sociaux, à ciel ouvert. Mon titre, ‘Le ciel ouvert’, transmet aussi l’idée que les grands affects qui nous traversent dans l’existence sont des ressorts d’émancipation. Je pense à Annie Lebrun qui a développé cette belle notion ‘d’insurrection lyrique’. Elle nous parle de la puissance un peu révolutionnaire des chants qui nous viennent des sentiments. L’amour, en l’occurrence, ouvre parfois le ciel lorsque tout nous accable, quand l’on s’interroge sur le sens de nos vies et que l’on partage le sentiment d’être dans une impasse. L’amour reste un puissant levier pour se dire ‘cette vie-là ne suffit pas, je veux tout et tout de suite’”.

L’amour et le pouvoir

La philosophe Ilaria Gaspari, autrice de Raisons et sentiments, récemment publié chez Plon, s’est interrogée sur les dynamiques politiques qui traversent les relations et sentiments amoureux. “L’amour est évidemment un sujet politique, comme tout ce qui a trait aux relations entre les individus. Il regarde nos corps et nos émotions. Être amoureux, c’est redéfinir notre façon d’être au monde et en relation avec les autres”. Un constat que la philosophe appuie dans un moment où plusieurs voix de femmes s’élèvent dans le monde du cinéma pour dénoncer l’emprise et les abus commis par plusieurs hommes du milieu lorsqu’elles étaient très jeunes. “La nouvelle vague de témoignages auxquels nous assistons soulèvent le thème central des dynamiques de pouvoir à l’intérieur d’une relation sentimentale. Une dimension qui a été négligée pendant des siècles, mais que nous sommes désormais prêts à aborder et à regarder en face. Ce n’est évidemment pas facile, mais, pour notre liberté, il est essentiel de faire la distinction entre l’abus et l’amour qui peut être vraiment libérateur.”

Changer notre regard sur l’amour

Cette prise de conscience pousse à reconsidérer les œuvres passées qui participaient à la construction d’un mythe de l’amour roi, au nom duquel tout peut se commettre et se justifier, explique Nicolas Mathieu. “Dans cette actualité, il est intéressant de voir que la conception de l’amour comme une mesure absolue, une carte blanche à tous les abus, tombe en désuétude. Je pense que c’était une constante de l’inconscient occidental pendant longtemps, illustrée notamment par la phrase de Nietzsche ‘ce qu’on fait par amour s’accomplit toujours par-delà le bien et le mal.’ Au 19e siècle nait le concept de crime passionnel, utilisé comme une circonstance atténuante de crimes au nom de l’amour. Nous vivons la fin de ce modèle intellectuel. J’espère toutefois qu’on ne révisera pas les œuvres, mais plutôt notre regard sur celles-ci. La distinction est tout de même essentielle. Il s’agit de les historiciser.

Article extrait de : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/en-amour-tout-est-il-deja-ecrit-5085650?at_medium=newsletter&at_campaign=culture_quoti_edito&at_chaine=france_culture&at_date=2024-02-14&at_position=1

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